Roman autobiographique qui nous fait découvrir « L'USINE » sous une forme très particulière, une sorte de poème scandé. Un long poème en prose qui nous plonge dans un monde qui tape, qui secoue, qui aliène.
Joseph
Ponthus a quitté son emploi d'éducateur en région parisienne pour
rejoindre son épouse en Bretagne. Il ne trouve pas d'emploi dans
son domaine; il faut bien manger, les sous manquent. Alors il
frappe à la porte des agences d'interim. Et il va travailler"à
la ligne" car on ne parle plus de travail "à la
chaîne" trop aliénant… Le voilà, coiffé d'une charlotte
et chaussé de bottes, prêt à en découdre avec les crevettes et
les bulots dans un atelier où la température frôle le négatif,
puis dans un abattoir où défilent les carcasses. Et les mots
coulent, comme passent les crevettes sur le tapis, les carcasses de
vaches le long des rails.
Ce
n'est pas le choix d'un intellectuel qui va à l'usine un moment pour
voir comment cela se passe. C'est une nécessité pour gagner sa
vie, comme pour la grande majorité de ces personnes qui sont
contraintes d'accepter ces boulots pour « s'en sortir »,
se nourrir et se loger.
J'ai
particulièrement apprécié le chapitre où il remercie sa mère en
lui affirmant que ses études n'ont pas été inutiles, car sans
elles il n'aurait pas pu supporter. Joseph Ponthus est un passionné
de littérature, il se réfugie dans ses lectures et ses souvenirs
pour tenir le coup. Il chante Trenet, Barbara, Brel, Ferré, convoque
Apollinaire, Georges Perec, Homère..., interpelle Proust:
"le temps perdu
Cher
Marcel je l'ai trouvé celui que tu recherchais
Viens
à l'usine je te montrerai vite fait
Le
temps perdu
Tu
n'auras plus besoin d'en tartiner autant »
Il
échafaude des contrepèteries :
"Egoutteur
de tofu
Et
fauteur de dégoûts"
Ce
roman est une très belle surprise : une œuvre surprenante en
forme de slam, très attachante. Il est plein d'impertinence et
d'humanité. A l'aide de peu de mots, de petits bouts de phrase,
l'auteur décrit la France des précaires, celle des intérimaires,
ceux qui bossent pour vivre, contraints d'accepter n'importe quoi
pour gagner quelques sous. Récit bourré d'émotions, de
solidarité,d'humour, de non considération des chefs, de corps qui
crient leur douleur. Et pas question, même s'ils sont solidaires
-et s'ils en ont le « droit » dans la loi - de se
joindre à un mouvement de grève, car c'en serait fini des "missions".
" L'usine
bouleverse mon corps
Mes
certitudes
Ce
que je croyais savoir du travail et du repos
De
la joie
De
l'humanité"
Et cela nous prend aux
tripes car il parle de la France d'aujourd'hui, pas celle de Hugo ni
de Zola, mais bien la France du
XXI ° siècle.
4 commentaires:
Bel hommage et plaidoyer convaincant !
@ Monique, c'est mérité, un bel ouvrage original en sa forme, et au fond émouvant et percutant.
Allez hop, je rajoute à ma liste des livres à rejoindre ma PAL
@ Gilsoub, tu me diras ce que tu en penses.
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